10 septembre 2008
Carolyn Carlson : "Celui qui ne s'occupe pas à être vivant s'entraîne à mourir"
"Je suis inspirée par la philosophie zen, je cherche la réalité invisible. Nous vivons dans un monde individualiste et bavard, obsédés par notre ego. Nous ne faisons pas confiance à nos intuitions, et nous regardons sans cesse notre montre en criant: «Demain, demain, demain!» Mais aujourd'hui? Le monde souffre de notre incapacité d'exprimer notre humanité profonde. Voilà pourquoi la danse est si populaire: elle nous offre une communication universelle par l'émotion, par la perception, sans le détour de la parole. Une langue sans mots: voilà la danse. Dans cet art-là, l'intuition est prioritaire, et demain compte moins que le présent. Ce ne sont pas seulement des gestes que nous offrons au public («Il y a des gens qui bougent seulement pour remuer l'air!» dit T.S. Eliot). Mais des images, une énergie, une sensation, un regard sur soi-même.
Pina Bausch traite des réalités concrètes de la vie, du sexe, de l'amour. J'évolue plutôt dans un monde de perceptions poétiques, en assemblant des éléments disparates à la manière de Magritte. Pour moi, la danse est une poésie vivante, énoncée dans le temps et l'espace. Je me tends aussi le miroir à moi-même, je cherche une réflexion dans tous les sens du terme. "He who is not busy being born is busy dying", chante Bob Dylan ( "Celui qui ne s'occupe pas à être vivant s'entraîne à mourir" ). Mon travail relève plus de la philosophie, de l'inconscient, de l'invisible.
Où sont ces émotions dont nous parlons tant? Que sont-elles? Avec le corps, si concret, je cherche à répondre à ces questions. C'est la raison pour laquelle je travaille beaucoup l'improvisation avec mes danseurs, pour les aider à développer leur intuition. Une fois l'idée comprise, il faut laisser agir le corps, s'abandonner à la spontanéité. J'ai appris cela de mon maître, Alwin Nikolais : technique, improvisation, composition.
Entretien donné à l'Express (2002)
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